"Torturer un taureau pour le plaisir, pour l'amusement, c'est beaucoup plus que torturer un animal, c'est torturer une conscience. Tant qu'il y aura des êtres qui paieront pour voir une corrida, il y aura des guerres" Victor Hugo
La corrida, c'est quoi ?
La corrida, ou tauromachie, est un spectacle mettant en scène un pseudo combat rituel entre un homme et un taureau. Originaire d'Espagne, cette pratique est également présente dans plusieurs régions du sud de la France ainsi qu'en Amérique latine. La corrida est une mise en scène sanglante, où le matador, personnage central, "affronte" et tue le taureau.
La corrida en France
En France, la corrida est principalement présente dans les régions du Sud, notamment en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Introduite au XIXe siècle, elle s'est rapidement enracinée dans certaines cultures locales, devenant une partie des fêtes traditionnelles.
Dans l'hexagone, la corrida bénéficie d'un statut juridique particulier qui la distingue des autres formes de cruauté envers les animaux. En principe, la loi française interdit les actes de cruauté envers les animaux, notamment par le biais de l'article 521-1 du Code pénal, qui prévoit des sanctions sévères pour de tels actes. Cependant, une exception notable existe pour la corrida.
Cette exception est inscrite dans le même article 521-1 du Code pénal, qui stipule que les dispositions relatives à la protection animale ne s'appliquent pas aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Cette clause d'immunité a été introduite en 1951, permettant ainsi à certaines régions du sud de la France de continuer à pratiquer la corrida sans enfreindre la loi.
Historiquement, cette exception a été mise en place pour reconnaître la corrida comme une composante culturelle et traditionnelle de ces régions. Notons que cette tradition ne remonte en France qu'à 1852/1853 lorsque l'Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, développe les corridas dans le sud de la France. A cet époque, les moeurs et les sciences naturelles ne permettaient pas d'évaluer la cruauté du spectacle. Désormais, toutes les études sur le sujet mettent en avant une souffrance incroyable subit par les taureaux, dans une mise à mort orchestrer pour le plaisir pervers des spectateurs.
En 2012, le Conseil constitutionnel a été saisi pour statuer sur la constitutionnalité de cette exception. Ils ont confirmé la légalité de cette dérogation, considérant que le maintien de traditions locales spécifiques était compatible avec la Constitution française.
Plus récemment, une proposition de loi visant à abolir la corrida a été mise au programme de l’Assemblée nationale par le député Aymeric Caron, membre du groupe LFI (La France Insoumise), dans le cadre d’une « niche parlementaire ». Cette journée permet à un groupe minoritaire de fixer l’ordre du jour dans l’hémicycle. Cependant, malgré son article unique, la proposition de loi était bardée de plus de 500 amendements, surtout venus d’élus du Rassemblement National (RN) et de Renaissance de régions taurines. Une façon légale de faire obstruction. En effet, lors de ces journées, les débats doivent s’interrompre à minuit, peu importe leur avancement. Aymeric Caron a ainsi dû convenir qu’il était « impossible » d’atteindre « un vote final dans les délais impartis » et à retirer sa proposition de loi pour permettre le débat sur les sujets suivants.
Comment se déroule une corrida ?
Le déroulement d'une corrida est codifié et suit une structure précise, divisée en trois étapes principales, appelées "tercios". Chacune de ces étapes est marquée par des actions spécifiques, qui culminent dans la mise à mort du taureau. Juste avant le début de la corrida, les taureaux sont préparés. La pointe de leurs cornes, dont la sensibilité est égale à celle de nos dents, sont sciées. Elles sont remplacées par des moulages, souvent en résine, puis repeinte. Ceci permet d'éviter les blessures trop importantes aux hommes présents dans l'arène. Certains vétérinaires ont aussi mentionné une médication, mais il n'en existe aucune preuve à l'heure actuelle.
Premier tercio : La pique
La corrida débute avec l'entrée du taureau dans l'arène. Le matador et ses assistants, les banderilleros, exécutent une série de passes avec la cape pour évaluer le comportement et la force de l'animal. Ensuite, le picador, monté sur un cheval protégé, entre en scène. Armé d'une lance, il pique le taureau dans le muscle du cou, affaiblissant l'animal et anéantissant sa capacité à lever la tête.
Deuxième tercio : Les banderilles
Lors de cette phase, les banderilleros plantent des banderilles, sortes de harpons colorés, dans les épaules du taureau. Cette action vise à exciter davantage le taureau, tout en le fatigant et en diminuant sa capacité de riposte. Les banderilles, en se balançant, provoquent douleur et saignement, rendant le taureau plus vulnérable pour la phase finale.
Troisième tercio : La mise à mort
La phase finale est menée par le matador, qui utilise une muleta, une petite cape rouge, pour effectuer une série de passes visant à démontrer son habileté et son contrôle sur le taureau. Notons au passage que les taureaux étant fortement myopes, ils ne chargent que les objets en mouvement. De fait, en restant immobile le matador ne craint rien. Après avoir "dominé" l'animal, le matador se prépare pour la mise à mort. Armé d'une épée, il tente de porter un coup fatal en enfonçant l'arme entre les épaules du taureau, visant le coeur.
Et en pratique :
Le processus de la corrida inflige au taureau une série de souffrances incommensurables tout au long de son agonie dans l'arène. Chaque étape de la corrida, minutieusement orchestrée pour le divertissement du public, représente un calvaire pour l'animal. Le premier acte, connu sous le nom de tercio de pique, est particulièrement traumatisant pour le taureau. L'objectif principal de cette phase est de faire baisser la tête de l'animal, préparant ainsi son cou pour l'estocade finale. Cependant, l'utilisation de la pique du picador, une lance robuste munie d'arêtes acérées, ne vise pas seulement à contraindre le taureau, mais à l'affaiblir et à le soumettre.
Les règles strictes de la tauromachie stipulent que la pique doit être plantée dans la région du morrillo, entre la quatrième et la sixième vertèbre cervicale. Cette zone est choisie pour son abondance en muscles qui soutiennent la tête du taureau. Théoriquement, la pénétration de la pique est limitée à une profondeur de 8,7 centimètres, ce qui est censé causer des blessures contrôlées et modérées. Cependant, dans la pratique, ces règles sont souvent ignorées. Les piques sont souvent enfoncées bien plus bas que prévu, affectant ainsi un grand nombre de muscles, de veines, d'artères et de nerfs vitaux.
Les conséquences de cette brutalité sont dévastatrices. Les muscles du taureau sont déchirés, ses vaisseaux sanguins sectionnés, et ses nerfs endommagés, provoquant une douleur intense et une perte de sang abondante. Des études ont révélé que la profondeur moyenne des blessures infligées par la pique dépasse largement les limites théoriques, atteignant parfois jusqu'à 30 centimètres. Pendant cette phase de la corrida, le taureau perd une quantité significative de sang, allant jusqu'à 18 % de son volume total.
Après avoir enduré les assauts des picadors, le taureau doit affronter une nouvelle épreuve : les banderilles. Ces harpons acérés, plantés dans la même région déjà blessée du morrillo, aggravent encore les souffrances de l'animal. Non seulement ils ajoutent à ses blessures existantes, mais ils contribuent également à sa fatigue et à sa détresse. La douleur et l'épuisement s'accumulent, transformant l'arène en un champ de bataille où le taureau lutte pour sa survie contre des adversaires armés.
Enfin, l'estocade, qui est censée être le coup fatal, est loin d'être une mort rapide et miséricordieuse. Bien que le matador vise à transpercer le cœur du taureau avec une épée, la précision est rarement au rendez-vous. Dans de nombreux cas, l'épée touche les cordons nerveux proches de la moelle épinière, provoquant une agonie prolongée et insupportable. Même lorsque l'estocade est correctement exécutée, la mort n'est pas instantanée. Le taureau peut souffrir pendant plusieurs minutes avant de succomber à ses blessures.
Le coup de grâce, porté avec la puntilla, une sorte de poignard, est censé abréger les souffrances du taureau. Cependant, il n'assure pas toujours une mort rapide. La puntilla est souvent mal utilisée, prolongeant ainsi la torture de l'animal. Dans certains cas, le taureau reste conscient alors qu'il subit des blessures supplémentaires, agonisant dans un mélange de douleur physique et de détresse émotionnelle.
La corrida et les enfants
Un aspect particulièrement préoccupant de la corrida est son impact sur les enfants. Dans les régions où la tauromachie est pratiquée, il n'est pas rare que les enfants assistent aux corridas en tant que spectateurs. Cette exposition précoce à la violence et à la souffrance animale soulève de sérieuses questions sur les effets psychologiques et émotionnels à long terme. Voir des taureaux souffrir et mourir pour le divertissement peut banaliser la violence et insensibiliser les jeunes esprits à la souffrance animale.
De plus, certains enfants ne se contentent pas d'être spectateurs ; ils sont également encouragés à participer activement à la tauromachie. Dès l'âge de sept ans, il existe des écoles de tauromachie où les enfants apprennent à manipuler la cape et à manier les instruments de la corrida. Ces écoles enseignent aux jeunes élèves les techniques et les rituels de la tauromachie, les préparant à devenir les futurs matadors.
Cette formation précoce à la tauromachie est souvent présentée comme une initiation à une tradition culturelle, mais elle expose également les enfants à des situations de danger physique et à des valeurs questionnables. Les critiques soulignent que cette pratique inculque une acceptation de la violence et un manque de respect pour la vie animale. Dès 16 ans, les enfants sont autorisés à pratiquer leur première mise à mort en public. Cependant, aucun âge n'est fixé pour la mise à mort en école, ou dans un cadre privée. En général, c'est autour de 13-14 ans que les enfants tuent, à l'arme blanche, leur premier jeune taureau.
Une tradition et une économie
Certains défenseurs de la corrida avancent divers arguments pour justifier cette pratique controversée. Parmi eux, l'un des arguments les plus courants est celui de la préservation d'une tradition culturelle et de la valorisation de la bravoure. Les partisans de la corrida affirment que cet art ancestral fait partie intégrante de l'identité culturelle de certaines régions, et qu'il est essentiel de le préserver en tant qu'élément du patrimoine culturel immatériel. Cependant, la culture ne doit pas servir de prétexte pour perpétuer la cruauté envers les animaux. De plus, la tauromachie n'est pas une tradition universelle, et de nombreuses cultures ont évolué au fil du temps pour rejeter les pratiques violentes envers les animaux.
Un autre argument souvent avancé en faveur de la corrida est celui de son importance économique. Les partisans de la tauromachie affirment que les corridas et les férias attirent des centaines de milliers de personnes chaque année, générant ainsi des revenus significatifs pour les villes et les régions qui les accueillent. Cependant, il est crucial de faire une distinction entre les férias et les corridas. Les férias sont des festivals culturels qui comprennent une variété d'événements, tels que des défilés, des concerts, des expositions, et bien plus encore. Bien que les corridas puissent être incluses dans certains programmes de férias, leur impact économique est souvent exagéré. En réalité, de nombreuses études ont montré que les corridas ne contribuent que de manière marginale à l'économie locale, et que la plupart des corridas se faisaient désormais à perte. Cependant, des subventions européennes, attribuées dans le cadre de la PAC, permettent aux éleveurs de taureau de corrida de maintenir cette tradition cruelle.
En conclusion
La corrida demeure l'une des pratiques les plus controversées de notre société moderne. Malgré son statut de tradition culturelle dans certaines régions, elle soulève des questions éthiques fondamentales concernant le traitement des animaux et notre propre humanité. Les arguments en faveur de la corrida, qu'ils soient basés sur la préservation de la culture ou sur des considérations économiques, ne peuvent pas justifier la cruauté infligée aux taureaux pour le divertissement humain. Les souffrances endurées par ces animaux sont indéniables et inacceptables dans une société qui se prétend évoluée et respectueuse de toutes les formes de vie.
Il est temps de remettre en question la légitimité de cette pratique barbare et de réorienter nos valeurs vers des formes de divertissement plus compatissantes et éthiques. Plutôt que de perpétuer la violence envers les animaux au nom de la tradition ou du profit, nous devons promouvoir des alternatives culturelles qui célèbrent la beauté de la nature sans infliger de souffrances inutiles. Cela nécessite un changement profond dans notre façon de penser et d'agir, mais c'est un changement nécessaire pour évoluer vers une société plus juste et respectueuse de toutes les formes de vie qui partagent notre planète. En fin de compte, l'abolition de la corrida n'est pas seulement une question de législation, mais une question de conscience et de compassion envers les êtres sensibles qui méritent d'être traités avec dignité et respect.
Pour aller plus loin...
Fédération des Luttes pour l'Abolition des Corridas :
Dans le cadre général de la lutte contre la violence, la FLAC se positionne contre les violences générées à l’encontre des enfants, des hommes et des animaux dans les arènes (corridas, novilladas…) et lors de réunions privées (écoles de tauromachie, tientas, etc.)
Découvrez toutes les associations qui luttent contre la corrida :
https://flac-anticorrida.org/qui-sommes-nous/associations-membres/
Abolition - Plaidoyer contre la corrida et autres souffrances animales
Abolition des privilèges, abolition de l'esclavage, abolition de la peine de mort.
Les abolitions sont des marches vers plus d'humanité.
Une nouvelle abolition s'impose pour poursuivre le chemin. Elle concerne une pratique déjà interdite en France mais qui se déroule pourtant dans certaines régions en raison d'une exception inscrite dans la loi : la corrida.
Cette barbarie publique, où l'on torture et tue sous les applaudissements, n'a plus sa place dans notre société. Elle est d'ailleurs massivement rejetée par l'opinion. Il est du devoir des représentants de la nation d'y mettre un terme et d'ouvrir la voie à une nouvelle page de l'histoire des droits des animaux en France.
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